Les procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 14 juillet 2016 à Nice ont constitué des étapes essentielles pour les victimes. Toutefois, ces procédures judiciaires, bien qu’importantes, ont aussi réveillé des blessures psychiques, en particulier liées au trouble de stress post-traumatique (TSPT).

Palais de Justice of Paris, Carlos Delgado, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Une récente étude menée par l’association Paris Aide aux Victimes (PAV), membre du réseau France Victimes, et dont les résultats ont été présentés ce 9 avril, s’intéresse au vécu des victimes lors de ces grands procès. Carole Damiani, psychologue à la tête de l’association Paris Aide aux Victimes et responsable de l’étude, revient sur la genèse de ce projet. «Il existe beaucoup de fantasmes autour des procès, notamment des représentations très ancrées relayées par les médias, comme l’idée qu’un procès « soigne » et que sans procès, les victimes ne pourraient pas aller bien», explique la psychologue. «Or, nos observations empiriques ne confirmaient pas ces représentations, et il nous semblait important d’examiner précisément ce qu’il en était réellement.»
L’étude, menée auprès de 173 victimes ayant participé à ces procès, révèle que si 81% des participants expriment une satisfaction générale vis-à-vis du processus judiciaire, la réalité du vécu psychologique est beaucoup plus complexe. En effet, 69,9% des victimes rapportent une forte angoisse / anxiété avant le procès, et 36,9% ont ressenti de la peur. Le sentiment de colère était également extrêmement présent, notamment chez les victimes de l’attentat de Nice (90,9% d’entre elles ont dit avoir ressenti de la colère avant le procès).
La préparation au procès : une étape importante
Les victimes ont été préparées par leurs avocats (75,6%), les associations d’aide aux victimes (45,9%) et les réunions préparatoires organisées par Paris Aide aux Victimes (41,5%). Carole Damiani note cependant que malgré ces efforts, «la réalité est quand même différente de ce qu’on attend.»
Concernant la préparation psychologique, les victimes du procès des attentats du 13-Novembre se sont globalement senties mieux préparées (81,5%) comparativement à celles de Nice (44,3%).
Carole Damiani souligne la différence ressentie entre Paris et Nice. «À Paris, les victimes ont bénéficié d’un phénomène de groupe très soutenant, renforcé par l’implication forte des associations.» Un phénomène moins présent à Nice où des tensions entre les associations ont atténué cet effet de groupe protecteur.
“Un procès ne soigne pas”
Le trouble de stress post-traumatique constitue une réalité majeure pour les victimes d’attentats. Carole Damiani explique précisément qu’ «un procès ne soigne pas le traumatisme ni le deuil.» L’étude montre que les symptômes typiques du TSPT, par exemple les reviviscences, les troubles du sommeil et les évitements, n’ont généralement pas diminué après le procès. Pour la plupart des victimes, ces symptômes se sont même aggravés. Ainsi, 78,8% des victimes directes de l’attentat de Nice interrogées déclarent que leurs troubles psychotraumatiques se sont aggravés ou très aggravés suite au procès.
Le témoignage personnel lors du procès joue un double rôle : il apporte un soulagement, un apaisement temporaire et une reconnaissance sociale et judiciaire essentielle pour les victimes. Mais il provoque aussi une réactivation douloureuse des souvenirs traumatiques. Certaines victimes ont dit avoir éprouvé des reviviscences, de l’angoisse, de l’anxiété et de la tristesse en lien avec leur témoignage durant le procès.
L’effet psychologique des images et vidéos diffusées pendant les audiences a également été étudié. Contrairement aux attentes initiales, ces supports ont eu un impact psychologique moindre comparé à l’intensité émotionnelle des témoignages personnels.
Le procès, bien qu’il soit une étape importante de reconnaissance et de justice, ne constitue donc pas un soin thérapeutique. «C’est une étape importante, certes, mais seulement une étape dans un long processus de reconstruction», insiste Carole Damiani.
L’importance d’un accompagnement prolongé
Le sentiment d’abandon après le procès apparaît particulièrement intense chez les victimes de l’attentat de Nice, en partie du fait de l’éloignement géographique et de leur sentiment d’être traitées comme des «victimes d’attentats de seconde zone».
Ces constats soulignent l’importance de développer un accompagnement psychologique renforcé après les procès. Paris Aide aux Victimes prévoit ainsi de réfléchir à un dispositif inspiré d’expériences internationales, notamment belges, incluant une meilleure information sur l’exécution des peines et un soutien psychologique ajusté aux besoins spécifiques des victimes dans la durée.
«Il y a beaucoup de choses qui ont été modifiées suite à la fois aux attentats eux-mêmes, mais aussi à ces procès qui nous ont beaucoup appris», conclut Carole Damiani.