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« La soumission chimique, c’est un mode opératoire », entame Leïla Chaouachi, pharmacienne au Centre d’Addictovigilance de Paris. Ce terme désigne l’administration, à l’insu de la victime, de substances psychoactives pour la rendre vulnérable à des crimes, souvent des agressions sexuelles. Les drogues utilisées – GHB, benzodiazépines ou encore alcool en grande quantité – provoquent une amnésie partielle ou totale, rendant difficile la dénonciation de l’agresseur. « L’amnésie concerne une victime sur deux environ », précise Leïla Chaouachi. « Dans les cas d’amnésie, il y a tout de même des signes évocateurs auxquels on peut être attentif : des troubles de la mémoire, de la somnolence, etc. On a des personnes qui vont se réveiller dans la rue sans se souvenir de comment elles sont arrivées là, qui vont constater un désordre vestimentaire, se réveiller dans une pièce avec des préservatifs usagés autour d’elles… »

Un lien direct avec le TSPT

Les victimes de soumission chimique se réveillent parfois sans aucun souvenir des agressions subies. Cette perte de mémoire, associée à la violence de l’acte, crée les conditions idéales pour l’apparition d’un TSPT. La députée Sandrine Josso, elle-même victime de soumission chimique, explique souffrir depuis cet événement de trouble de stress post-traumatique et a fait de la lutte contre cette forme de violence son combat politique. « Je pensais que ça allait passer au fur et à mesure du temps, il faut des semaines et j’ai compris aujourd’hui qu’il faut au minimum deux ans pour retrouver toutes ses capacités », confie-t-elle dans une interview sur LCP. « J’ai des symptômes d’hypervigilance qui sont toujours là. »

En effet, les symptômes caractéristiques du TSPT apparaissent parfois chez ces victimes : hypervigilance, évitement… En plus de ces symptômes, elles éprouvent souvent de la culpabilité et de la honte, des émotions qui retardent la demande d’aide. « On constate chez les victimes beaucoup de ruminations anxieuses en lien avec le black-out, un sentiment de culpabilité de ne pas se souvenir, un sentiment d’illégitimité à parler d’agression et même de porter plainte », précise Leïla Chaouachi. « On trouve aussi des comorbidités de type troubles de l’usage de substances, des idées suicidaires… Et des risques liés aux chutes, avec des blessures physiques. Tout cela montre que c’est un enjeu de santé publique majeur. »

Une plateforme dédiée à l’accompagnement

Afin de mieux accompagner ces victimes, une nouvelle plateforme vient d’être mise en ligne. Elle offre un espace sécurisé pour les victimes de soumission chimique, leur permettant de s’informer sur leurs droits, les démarches médicales à suivre, et les options de soins psychologiques disponibles. « Dans la grande majorité des cas, les victimes ont des doutes, même en cas d’amnésie. Notre rôle c’est de leur répondre, de pouvoir leur confirmer que ce sont bien des signes évocateurs, qui pourront être confirmés par une analyse toxicologique et les orienter vers un dépôt de plainte et des poursuites judiciaires », explique Leïla Chaouachi, qui ajoute que la plateforme est gérée par des femmes pharmacologues formées aux violences sexistes et sexuelles, « indispensable pour accueillir la parole des victimes qui viennent demander de l’aide et une orientation ».

« Aujourd’hui la formation des professionnels de santé est insuffisante et se pose la question des outils diagnostiques à leur disposition pour repérer les cas de soumission chimique. Quand la victime voit son état de santé se dégrader sans en comprendre l’origine, c’est au médecin, au professionnel, de prendre en compte ces symptômes récurrents et d’envisager, après avoir écarté les autres pistes, une situation de soumission chimique. Il faut que l’hypothèse soit possible. », plaide Leïla Chaouachi.

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