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Soigner un trouble de stress post-traumatique associé à un trouble de l’usage de substances

Le traitement de première intention du trouble de stress post-traumatique (TSPT) repose sur la psychothérapie centrée sur le trauma. Plusieurs protocoles ont démontré leur efficacité clinique. Toutefois, les études menées à ce sujet n’ont pas, dans leur majorité, inclus de participants présentant un trouble de l’usage de substances (TUS). De ce fait, leurs résultats ne permettent pas de généraliser l’application de ces protocoles en cas de pathologie duelle.

En tant que professionnel de santé ou psychologue, vous accompagnez peut-être une personne présentant une pathologie duelle TSPT-TUS, ou du moins en soupçonnez-vous la présence. Quels défis cliniques devrez-vous alors relever ? Quels sont les points de vigilance à observer lors de l’évaluation et du traitement ? Comment adapter au mieux votre prise en charge pour répondre aux besoins spécifiques du patient ? Sur quelles recommandations pouvez-vous vous appuyer pour guider votre pratique clinique ?

 

Ce dossier de bonnes pratiques permet, en complément du guide méthodologique conçu avec la Fédération Addiction, d’apporter les ressources nécessaires au soin de cette pathologique duelle.

hand young female psychoanalyst making notes notebook session - Cn2r

Points-clés

  •  Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et le trouble de l’usage de substances (TUS) coexistent souvent.
  • Comparée à chacun des troubles pris isolément, la dualité TSPT-TUS est associée à des profils cliniques plus sévères, à un taux d’attrition plus élevé, à une moins bonne réponse aux traitements disponibles et à un taux de rechute accru.
  • Les patients présentant la dualité TSPT-TUS peuvent tolérer et bénéficier des psychothérapies centrées sur le trauma fondées sur les preuves.
  •  Tout comme un patient diabétique atteint d’un cancer nécessite des soins pour chacune de ses affections, une personne présentant la pathologie duelle doit recevoir un traitement adapté à chacun de ses troubles. La présence de l’un ne doit pas constituer un obstacle au traitement de l’autre.
  • La littérature scientifique identifie plusieurs stratégies susceptibles d’améliorer l’assiduité et la réponse au traitement. Ces stratégies sont faciles à mettre en œuvre. 
  • Les deux troubles doivent être évalués dès l’instauration du traitement puis régulièrement, au moyen d’outils validés.
  •  Il est recommandé d’utiliser des traitements intégrés ou combinés en tenant compte des préférences du patient.

ZOOM

La Fédération Addiction publie un guide méthodologique conçu pour transformer la prise en charge des personnes concernées par la pathologie duelle associant psychotraumatisme et addiction. Ce guide est le fruit de trois ans de riche collaboration avec le Cn2r.

Trouble de stress post-traumatique et trouble de l’usage de substance : deux visages, une pathologie

Traumatismes psychiques et addictions sont intimement liés. Pourtant, les professionnels de terrain manquent encore d’outils adaptés pour répondre aux besoins des personnes concernées. Face à ce constat, la Fédération Addiction et le Cn2r se sont unis pour élaborer un guide méthodologique inédit, pensé comme une boîte à outils essentielle pour structurer et améliorer la prise en charge.

Issu du projet PsychoTraumAddicto (soutenu par le Fonds de lutte contre les addictions), ce guide est le fruit du dialogue entre experts de l’addictologie et de la psychotraumatologie. Son objectif ? Fournir aux acteurs du soin un cadre clair, des repères théoriques solides et des solutions concrètes pour accompagner les personnes vivant avec un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et un trouble de l’usage de substance (TUS) – un ensemble clinique appelé pathologie duelle.

Comprendre, identifier, accompagner la pathologie duelle TSPT-TUS

Conçu pour et avec le terrain, pensé pour être directement opérationnel, ce guide s’adresse à tous les professionnels : psychologues, médecins, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés… Son approche allie rigueur scientifique et application pratique, avec des verbatims, des mises en situation et des cas cliniques pour une appropriation immédiate.

Son format en questions/réponses permet une navigation fluide pour répondre aux interrogations principales sur le terrain :

  • Quels sont les fondamentaux de la pathologie duelle ? Une définition claire pour poser les bases et harmoniser les pratiques.
  • Comment comprendre la pathologie duelle ? Une plongée dans les mécanismes psychiques et neurobiologiques en jeu.
  • Comment l’identifier ? Des méthodes cliniques éprouvées et des outils concrets pour le repérage et le diagnostic.
  • Comment accompagner une personne concernée ? Une méthodologie complète : organisation du soin, stratégies thérapeutiques, orientations cliniques, mises en situation…
  • Quelles perspectives pour améliorer les pratiques ? Un panorama des avancées à venir : nouveaux outils de détection, renforcement des approches thérapeutiques, collaborations intersectorielles…
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TSPT et TUS : une association très fréquente

Parmi les troubles souvent associés au trouble de stress post-traumatique (TSPT), le trouble de l’usage de substance (TUS) est l’un des plus courants. Cette forte association est indépendante de l’âge et est observée chez l’adolescent, l’adulte et la personne âgée (Najavits, 2015). Elle a été confirmée tant par des études épidémiologiques que par des recherches cliniques.

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Du point de vue épidémiologique, des données récentes montrent qu’en population générale, 57,7% des personnes ayant présenté un TSPT au cours de leur vie souffrent également d’un trouble de l’usage de l’alcool (TUA), d’un trouble de l’usage de drogues (TUD), ou des deux à la fois (Simpson et al., 2019). Ce chiffre augmente d’environ 20% lorsqu’il s’agit de populations exerçant un métier à haut risque traumatogène comme les militaires, par exemple (Kulka et al., 1990).

Sur le plan clinique, les données sont issues de recherches menées auprès de personnes en quête d’un traitement pour addiction. Elles confirment une forte pathologie duelle entre TSPT et TUS actuels. En effet, les taux de pathologie duelle avoisinent 40% en population générale (Gielen et al., 2012 ; Harrington & Newman, 2007 ; Reynolds et al., 2005) et oscillent entre 60% et près de 80% chez les militaires (Seal et al., 2011 ; Shipherd et al., 2005).

Au point de créer une entité pathologique à part entière

Compte tenu du lien étroit entre les TUS et TSPT, la notion de pathologie duelle a progressivement conduit à s’interroger sur la nature de leur relation causale. Initialement, cette relation était abordée à travers une distinction entre « trouble primaire » et « trouble secondaire », en fonction de l’origine présumée de l’un par rapport à l’autre.

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Cependant, ces dernières décennies ont vu émerger une approche clinique plus nuancée, mettant en avant une causalité bidirectionnelle : chaque trouble peut à la fois être la cause et la conséquence de l’autre. Dans le cas spécifique de l’association entre TSPT et TUS, cette bidirectionnalité est particulièrement manifeste. Le TSPT peut favoriser le développement d’un TUS, notamment en raison d’une impulsivité accrue et de la recherche d’un soulagement émotionnel (« auto-apaisement »). Inversement, la présence d’un TUS, en induisant un niveau de stress élevé, accroît le risque de développer un TSPT.

La spécificité de l’interaction entre ces deux troubles réside dans leur influence mutuellement délétère : chacun tend à aggraver l’autre, tout en partageant un certain nombre de symptômes. Ce chevauchement symptomatique et cette interdépendance renforcent le concept de pathologie duelle. Celle-ci désigne la cooccurrence, chez un même patient, d’un ou plusieurs troubles psychiatriques associés à une ou plusieurs addictions, caractérisée par des processus synergiques complexes. Ces interactions modifient l’expression symptomatique, diminuent l’efficacité des traitements, et contribuent à l’aggravation et à la chronicisation de l’évolution clinique (Casas, 1992).

Les défis cliniques posés par la dualité TSPT-TUS

Indépendamment de ses mécanismes étiopathogéniques, la pathologie duelle TSPT-TUS, une fois installée, soulève plusieurs défis cliniques (Norman et al., 2020).

Défi 1 : un profil clinique plus sévère

Si chacun des deux troubles peut engendrer une symptomatologie sévère et entraîner des répercussions délétères aux niveaux fonctionnel et vital, leur association les complexifie et les aggrave. Ainsi, comparativement à chacun d’entre eux, la pathologie duelle TSPT-TUS est souvent associée à des tableaux cliniques plus sévères se traduisant par :

  • Une histoire traumatique plus souvent marquée d’événements graves dans l’enfance (Khoury et al., 2010) ;
  • Un nombre plus élevé de troubles de santé mentale associés, notamment les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et les troubles de la personnalité (Sells et al., 2016 ; Wolitzky-Taylor, et al., 2012) ;
  • Des taux plus élevés d’idées suicidaires et de tentatives de suicide (Back et al., 2019 ; Norman et al., 2018 ; Mills et al., 2012) ainsi que de comportements auto-agressifs ;
  • Une violence accrue (Barrett et al., 2014 ; Blanco et al., 2013 ; McDevitt-Murphy et al., 2010 ; Mills et al., 2006 ; Norman et al., 2018) ;
  • Un plus grand nombre d’altérations fonctionnelles (Hien et al., 2021, par exemple)
  • Une plus grande instabilité sociale et une moins bonne qualité de vie (Blakey et al., 2022 ; Blanco et al., 2013 ; Norman et al., 2018) ;
  • Une moins bonne réponse aux traitements disponibles (Simpson et al., 2020) et un taux de rechute plus élevé du TUS (Norman et al., 2007 ; Ouimette et al., 1997).

De plus, le TSPT est associé à une plus grande sévérité du besoin irrépressible de consommer [craving] (Coffey et al., 2002 ; Saladin et al., 2003) et à une plus grande sévérité des symptômes de sevrage (Boden et al., 2013).

Défi 2 : une attrition plus élevée

La pathologie duelle TSPT-TUS est associée à une augmentation significative des interruptions précoces du traitement.

Concernant le TSPT, une méta-analyse de référence portant sur 42 études (Imel et al., 2013) rapporte un taux moyen d’interruption du traitement de 18 %. Ce taux peut s’avérer plus élevé dans certains groupes spécifiques comme les vétérans (Myers et al., 2019).

Concernant le TUS, les données de la Substance Abuse and Mental Health Services Administration indiquent un taux moyen d’abandon thérapeutique égal à 35%, ce taux pouvant atteindre 55 % dans certaines populations (SAMHSA, 2015).

Ces chiffres augmentent encore en cas de pathologie duelle TSPT-TUS. En effet, Simpson et al. (2017) montrent que, chez les patients souffrant simultanément de ces deux troubles, seulement 50 % environ parviennent à terminer leur traitement — que ce dernier soit fondé sur une approche par exposition, sur le développement de stratégies d’adaptation ou qu’il porte sur la dépendance. Ce chiffre suggère un taux moyen d’interruption de traitement avoisinant 50 %, soit un taux nettement supérieur à celui observé pour le traitement du TSPT seul (18 %) ou du TUS seul (35%).

Fait notable cependant, plusieurs recherches portant sur les interruptions de traitement révèlent que parmi les patients ayant cessé leur traitement prématurément, une proportion importante (entre 36% et 68%) présente une amélioration cliniquement significative ou atteint un bon niveau de fonctionnement concernant les symptômes du TSPT et/ou du TUS avant d’interrompre la prise en charge (Szafranski et al., 2017, 2018). Ainsi, l’arrêt du traitement ne serait pas systématiquement lié à une détérioration de l’état clinique ou à une absence d’amélioration.

Défi 3 : une réalité clinique sous-estimée chez les cliniciens

Dans leur grande majorité, les personnes présentant la pathologie duelle TSPT-TUS ne voient qu’un seul de leur trouble évalué. Plusieurs raisons peuvent y participer.

L’organisation des soins en filières distinctes : la prise en charge du TSPT et celle du TUS sont souvent cloisonnées entre le secteur de l’addictologie et celui de la psychiatrie. Chaque champ tend à se concentrer sur la pathologie qui lui est propre, au détriment de l’évaluation et du traitement de l’autre trouble.

L’existence d’obstacles pratiques déclarée par les professionnels tels que le manque de temps, les ressources financières limitées des établissements ou encore l’absence d’expertise suffisante pour traiter les deux troubles de manière conjointe (voir par exemple Gielen et al., 2014).

La honte et la culpabilité ressenties par les patients dont beaucoup n’osent pas évoquer, selon le champ d’expertise du professionnel qui les suit, leur consommation de substances ou leur histoire traumatique.

Défi 4 : des croyances professionnelles tenaces bien que contre-productives

Malgré l’accumulation de connaissances depuis plus de deux décennies, trois croyances erronées entravent aujourd’hui encore l’évolution des soins proposés aux personnes présentant la pathologie duelle TSPT-TUS.

Croyance 1 : l’abstinence serait une condition essentielle à l’efficacité et à la réussite du traitement du TSPT.

En d’autres termes, il serait nécessaire de traiter le TUS avant de traiter le TSPT.

Partant, les traitements actuels de la pathologie duelle TSPT-TUS sont le plus souvent organisés de manière séquentielle et différenciée : le TUS est d’abord pris en charge par un clinicien qui transmet ensuite le suivi à un collègue spécialisé dans le TSPT (van Dam et al., 2012). Dans cette perspective, il est fréquent que l’accès aux soins pour le TSPT soit déconseillé ou refusé au patient tant qu’une certaine période d’abstinence n’a pas été atteinte — ce qui, paradoxalement, accroît le risque d’abandon des soins.

De plus, cette organisation ne reflète pas la réalité clinique. En effet, une large proportion des personnes présentant la pathologie duelle TSPT-TUS consomme des substances précisément pour apaiser leurs symptômes post-traumatiques – que ce soit pour faciliter le sommeil, réduire les cauchemars, atténuer les pensées et souvenirs intrusifs, ou encore diminuer l’intensité des symptômes d’hyperexcitation (María-Ríos et al., 2020 ; Vujanovic et al., 2019).

Par ailleurs, plusieurs études ont évalué l’évolution des symptômes au cours des traitements afin de déterminer s’il est réellement nécessaire de retarder l’intervention sur le TSPT jusqu’à la réduction ou l’arrêt de la consommation de substances. Leurs résultats montrent que l’amélioration des symptômes du TSPT est associée à une plus grande réduction de la consommation ultérieure de substances. En revanche, la relation inverse (la consommation de substances prédisant les symptômes ultérieurs de TSPT) n’est pas aussi marquée (Hien et al., 2010, 2018 ; Kaczkurkin et al., 2016 ; Tripp et al., 2021).

Croyance 2 : traiter le TSPT et le TUS en même temps augmenterait les symptômes de TSPT et entraverait le traitement de l’addiction.

Il serait imprudent, voire contre-productif, de traiter le TSPT et le TUS en même temps. Cette approche serait susceptible d’aggraver les symptômes de TSPT et de nuire à la dynamique thérapeutique de l’addiction (Gielen et al., 2014).

Cette croyance est aujourd’hui contredite par des données scientifiques solides. En effet, la majorité des personnes présentant une pathologie duelle TSPT-TUS perçoivent leurs symptômes comme interdépendants et préfèrent une approche thérapeutique intégrée, dans laquelle les deux troubles sont traités simultanément (Back et al., 2015). De nombreuses études confirment par ailleurs l’innocuité de ces traitements intégrés, tant pour le TSPT que pour le TUS (Back et al., 2019 ; Norman et al., 2019 ; Roberts et al., 2015 ; Simpson et al., 2017 ; van Dam et al., 2012).

Ainsi, par exemple, une étude récente (Tripp et al., 2021) révèle que seuls 15,8 % des participants ayant bénéficié d’une psychothérapie intégrée ont connu une aggravation temporaire de leurs symptômes de TSPT au début du traitement (entre les séances 3 et 5), avant une amélioration notable par la suite. Cette aggravation transitoire ne variait pas selon que la thérapie soit ou non centrée sur le trauma. En réalité, une exacerbation plus marquée des symptômes de TSPT est observée chez les patients traités exclusivement pour leur TUS, comparativement à ceux bénéficiant d’une approche intégrée centrée sur le trauma (Lancaster et al., 2020).

Croyance 3 : l’évocation des souvenirs traumatiques serait préjudiciable aux patients présentant la pathologie duelle TSPT-TUS.

Les patients souffrant d’un TUS encore actifs dans leur consommation seraient trop vulnérables pour aborder leurs souvenirs traumatiques en thérapie. Cette démarche pourrait aggraver leur état clinique en provoquant une rechute, une intensification de la consommation, une exacerbation des symptômes, voire une augmentation du risque suicidaire (Becker et al., 2004).

Là encore, des données scientifiques solides viennent contredire ces préoccupations. Elles montrent que le traitement du TSPT, lorsqu’il est mené simultanément à celui du TUS, permet une réduction significative des symptômes associés aux deux troubles (Roberts et al., 2015). Des méta-analyses récentes corroborent ces résultats (Roberts et al., 2022 ; Simpson et al., 2021).

Facteurs prédictifs des résultats thérapeutiques

Malgré les progrès des thérapies, leur efficacité demeure encore insuffisante. Pour certains chercheurs, une façon d’améliorer cette dernière serait de mieux appréhender les facteurs prédictifs de l’assiduité et de la réponse aux traitements. Cette démarche permettrait d’identifier les patients à haut risque et ainsi de leur proposer des stratégies personnalisées susceptibles d’améliorer l’adhésion au traitement et les résultats cliniques.

Les études menées dans ce cadre ont porté sur deux types de facteurs : les caractéristiques préexistantes des bénéficiaires (psychosociales et psychiatriques) et les caractéristiques inhérentes au traitement. Une synthèse récente (Kline et al., 2024) a porté sur les interventions centrées sur le trauma, tant intégrées (protocole COPE) que non intégrées (thérapie par exposition prolongée), à partir d’essais contrôlés randomisés (ECR) publiés entre 2012 et 2022 incluant des adultes avec un diagnostic conjoint de TSPT et de TUS.

Facteurs prédictifs de la réponse au traitement

Les facteurs liés aux bénéficiaires

Les caractéristiques psychosociales, comme les données socio-démographiques, ne semblent pas constituer des facteurs prédictifs fiables de la réponse au traitement. Toutefois, certaines analyses secondaires d’ECR indiquent que le type d’événement traumatisant pourrait influencer les résultats thérapeutiques. Par exemple, l’une d’entre elles (Zandberg et al., 2016) a montré que le type d’événement traumatisant (agression sexuelle ou combat) est associé à une moindre amélioration du TSPT après traitement tandis que l’identification raciale comme Blanc et les combats prédisent une moindre réduction de la consommation d’alcool. Malgré cela, aucune caractéristique psychosociale unique (race / ethnie / religion (Ruglass et al., 2019), âge d’exposition traumatique / nombre d’événements subis (Fitzpatrick et al., 2020), antécédents de violence (López-Castro et al., 2019)) ne ressort clairement comme prédictive de la réponse au traitement aussi bien pour le TSPT que pour le TUS.

En revanche, les caractéristiques psychiatriques initiales semblent mieux prédire la réponse au traitement. Par exemple, une sensibilité accrue à l’anxiété (Foa et al., 2013) ou une consommation sévère d’alcool en début de traitement (Zandberg et al., 2016) prédisent respectivement de moins bons résultats pour le TSPT et pour la consommation d’alcool après traitement. L’étude de Zandberg et al. (2016) montre que les participants présentant initialement un TSPT plus sévère bénéficient davantage de la thérapie par exposition prolongée que d’un soutien psychologique. La sévérité de la dépression en début de traitement modère également les résultats liés à la consommation d’alcool ; la thérapie par exposition prolongée donnant de meilleurs résultats chez les patients présentant des symptômes dépressifs plus sévères au départ. L’analyse secondaire d’un autre ECR portant sur le protocole COPE (Mills et al., 2012) conforte le lien possible entre la sévérité initiale du tableau clinique et la réponse au traitement : une plus grande sévérité du TSPT est associée à une diminution plus significative des symptômes à long terme, tandis qu’un nombre élevé d’événements traumatisants limite cette amélioration (Mills et al., 2016).

Des analyses en classes latentes ont également été conduites pour prédire les résultats thérapeutiques (Allan et al., 2020 ; Panza et al., 2021). Ainsi, Norman et al. (2019) ont identifié trois sous-groupes distincts chez des vétérans présentant une pathologie duelle TSPT – trouble de l’usage d’alcool (TUA) traités en ambulatoire : TSPT modéré/TUA léger (21%), TSPT élevé/TUA élevé (48%) et TSPT faible/TUA élevé (31%). Bien que les résultats concernant la consommation d’alcool ne diffèrent pas selon le traitement attribué, les participants présentant une consommation initiale élevée d’alcool montrent de meilleurs résultats pour le TSPT lorsqu’ils bénéficient d’une thérapie par exposition intégrée (protocole COPE).

L’ensemble de ces résultats suggère que les patients plus sévèrement atteints pourraient tirer un avantage plus important de traitements centrés sur le trauma, qu’ils soient intégrés ou menés en même temps qu’un traitement pour le TUS.

Les facteurs liés au traitement

Quelques études ont exploré les facteurs prédictifs de la réponse au traitement au cours de la délivrance de thérapies centrées sur le trauma. L’analyse secondaire d’un ECR portant sur le protocole COPE (Back et al., 2019) révèle que les changements rapportés par les patients entre les séances, concernant la détresse et l’envie impérieuse de consommer [craving] permettent de prédire la réponse au traitement (Badour et al., 2017). Plus précisément, l’habituation à la détresse et à l’envie de consommer entre les séances prédit la réduction des symptômes du TSPT durant le traitement. En revanche, l’habituation à l’envie de consommer n’est que modérément associée à une diminution effective de la consommation durant le traitement.

D’autres études ont examiné les relations réciproques entre les symptômes de TSPT et la consommation de substances au cours de ces thérapies. Ainsi, Tripp et al. (2020) montrent qu’un TSPT plus sévère pendant le traitement est associé à une augmentation ultérieure de la consommation d’alcool, phénomène également observé pour des traitements pharmacologiques ou non centrés sur le trauma (Hien et al., 2010 ; Back et al., 2006). Dans cette même étude, l’analyse secondaire montre qu’une augmentation de la consommation d’alcool au cours du traitement prédit une aggravation ultérieure du TSPT, bien que cet effet soit plus modeste (Norman et al., 2019). Confortant ces résultats, l’analyse secondaire d’un ECR comparant le protocole COPE à la prévention de la rechute (Ruglass et al., 2017) montre qu’une consommation de substances plus élevée durant chacun des traitements est associée à une moindre amélioration du TSPT après traitement. Toutefois, l’analyse secondaire d’un autre ECR conduit auprès de vétérans sur les mêmes traitements ne confirme pas ces résultats : aucun lien prédictif significatif entre l’évolution des symptômes du TSPT et la probabilité de consommer des substances lors des séances suivantes n’a été établi, ni dans un sens ni dans l’autre, quel que soit le traitement considéré (Badour et al., 2021).

L’ensemble de ces résultats suggèrent que l’évolution au cours du traitement de la détresse psychotraumatique et de l’envie impérieuse de consommer pourraient constituer de potentiels facteurs prédictifs de la réponse au traitement.

Facteurs prédictifs de l’assiduité au traitement

Les facteurs liés aux bénéficiaires

L’assiduité au traitement est largement traitée dans la littérature consacrée au TSPT, principalement en raison du lien robuste et positif qui l’unit à une réponse clinique favorable (Mills et al., 2016 ; Berke et al., 2019 ; Holmes et al., 2019 ; Rothbaum et al., 2019). Cependant, sa définition varie considérablement, allant de critères stricts comme la participation à l’intégralité du protocole thérapeutique, à des critères plus souples, tels que la participation à un nombre minimal prédéfini de séances (par exemple, au moins 8 séances sur un protocole de 12) (Coffey et al., 2016).

La relation entre l’assiduité et les résultats thérapeutiques est complexe. En effet, certains patients répondent plus rapidement que d’autres au traitement, rendant sans effet pour eux une prolongation du traitement (Hien et al., 2012 ; Strauss et al., 2022). Il a également été montré que d’autres interrompent leur traitement parce qu’ils ont atteint leurs objectifs thérapeutiques et bénéficient d’une réduction significative de leurs symptômes (Szafranski et al., 2017). Malgré ces nuances, une assiduité accrue demeure généralement corrélée à une meilleure réponse thérapeutique (Mills et al., 2016 ; Berke et al., 2019 ; Holmes et al., 2019 ; Rothbaum et al., 2019).

Concernant les caractéristiques psychosociales, la littérature actuelle échoue à trouver des facteurs prédictifs fiables. Seules quelques caractéristiques ont montré une association variable et souvent incohérente avec l’assiduité. À titre d’exemple, des analyses préliminaires conduites dans un ECR indiquent que les participants mariés présentent une plus faible probabilité de mener à terme leur thérapie (Back et al., 2019). Des analyses secondaires de plusieurs ECR révèlent que, parmi une multitude de variables explorées, seuls le type d’événement traumatisant, le statut d’emploi et le niveau d’éducation présentent une association consistante avec l’assiduité thérapeutique (Belleau et al., 2017 ; López-Castro et al., 2021 ; Zandberg et al., 2016).

Concernant les caractéristiques psychiatriques, la littérature montre que la sévérité initiale de la pathologie duelle TSPT-TUS et celle des troubles de santé mentale associés sont inversement corrélées à l’assiduité aux thérapies centrées sur le trauma. Par exemple, les résultats d’un ECR comparant, auprès des patients suivis en ambulatoire pour une pathologie duelle TSPT-TUA, l’efficacité de deux thérapies intégrées, montrent que le nombre quotidien de verres d’alcool avant traitement et la sévérité initiale du TSPT sont tous les deux négativement corrélés à l’assiduité (Sannibale et al., 2013). Back et al., (2019) retrouvent chez les vétérans une tendance significative en ce qui concerne la sévérité initiale du TSPT. Un autre ECR comparant l’efficacité du protocole COPE à celle du protocole Seaking Safety indique qu’une fréquence élevée de consommation excessive d’alcool dans les 3 mois précédant le traitement ainsi que la sévérité initiale du TUA sont toutes deux associées à une moindre assiduité thérapeutique et ce, indépendamment du type de traitement suivi (Norman et al., 2019). Enfin, l’analyse secondaire d’un ECR portant sur la thérapie par exposition prolongée a également révélé qu’une sensibilité accrue à l’anxiété ainsi qu’une consommation initiale plus fréquente sont associées à une augmentation du taux d’abandon (Belleau et al., 2017).

L’ensemble de ces résultats suggère que les patients plus sévèrement atteints présenteraient un risque plus élevé d’interrompre leur traitement.

Les facteurs liés au traitement

Des recherches récentes mettent en évidence l’intérêt d’examiner des variables dynamiques survenant en cours de traitement pour anticiper les risques d’abandon. Ainsi, une augmentation de la consommation d’alcool entre les séances (Kline et al., 2021) ou une satisfaction précoce moindre vis-à-vis du traitement (Schäfer et al., 2019) sont associées à un risque accru d’abandon. De même, des variations de l’envie de consommer et du niveau de détresse après les séances d’exposition en imagination aux souvenirs traumatiques se révèlent prédictives de la participation aux séances suivantes (Jarnecke et al., 2019). Un autre essai clinique révèle que les changements dans la consommation d’alcool et les symptômes de TSPT au cours de la thérapie sont associés à l’assiduité de manière nuancée, modérée par le traitement (Foa et al., 2013). Une relation complexe et curviligne est observée entre la rapidité d’amélioration des symptômes de TSPT et le risque d’abandon, modulée notamment par la sévérité initiale du trouble. Enfin, des analyses avancées utilisant des méthodes d’apprentissage automatique montrent que l’amélioration rapide des symptômes du TSPT en cours de traitement pourrait prédire une meilleure assiduité chez les patients plus âgés, mais paradoxalement une moins bonne assiduité chez les plus jeunes (López-Castro et al., 2021).

L’ensemble de ces données suggèrent que plusieurs variables dynamiques pourraient constituer des facteurs prédictifs de l’assiduité au traitement. C’est le cas des variations de : a) la consommation de substance entre deux séances, b) l’envie de consommer, c) la détresse après exposition en imagination aux souvenirs traumatiques, d) la satisfaction à l’égard du traitement.

Pistes d’amélioration de l’assiduité et de la réponse au traitement

Plusieurs stratégies prometteuses sont évoquées dans la littérature scientifique pour améliorer l’assiduité et la réponse aux traitements de la pathologie duelle TSPT-TUS. Ces stratégies se déclinent en deux grandes catégories : celles centrées sur le patient et celles portant sur les modalités de délivrance du traitement (Kline et al., 2023).

Stratégies ciblant le patient

Flexibiliser la durée du traitement ou le nombre de séances « stressantes »

Adapter de manière flexible la durée de la thérapie en offrant des séances supplémentaires, y compris lorsque c’est indiqué, des séances « stressantes », pourrait optimiser les bénéfices du traitement centré sur le trauma (Galovski et al., 2012). La pathologie duelle TSPT-TUS aggrave et complexifie souvent le tableau clinique, nécessitant une dose thérapeutique plus élevée pour atteindre une amélioration significative. De plus, les trajectoires de réponse au traitement varient selon les patients (Clapp et al., 2016 ; Schumm et al., 2013). En conséquence, offrir une flexibilité concernant le nombre de séances pourrait être crucial, à condition de veiller parallèlement à renforcer l’assiduité.

Considérer les préférences thérapeutiques des patients

Prendre en compte les préférences thérapeutiques des patients pourrait également améliorer l’assiduité et les résultats thérapeutiques. Ainsi, une étude comparant la thérapie par exposition prolongée à la Sertraline chez des patients souffrant de TSPT montre que ceux ayant reçu leur traitement préféré présentent une meilleure adhésion et une amélioration plus importante du TSPT, de la dépression et de l’anxiété (Zoellner et al., 2019).

Élaborer une prise de décision partagée

L’instauration d’une démarche de prise de décision partagée en début de traitement semble renforcer l’engagement thérapeutique. Une étude pilote a démontré qu’une intervention brève de prise de décision partagée augmentait la probabilité que les patients choisissent une thérapie centrée sur le trauma et adhèrent à un nombre suffisant de séances (≥ 9 séances) pour en ressentir pleinement les bénéfices (Thompson-Hollands et al., 2021).

Mobiliser le soutien social

Le soutien social, notamment familial, représente un levier important pour améliorer les résultats thérapeutiques et l’assiduité. Des études indiquent que l’implication active des proches peut considérablement diminuer les taux d’abandon (Jarnecke et al., 2022 ; Meis et al., 2019). Une intervention familiale courte, incluant une psychoéducation et visant à mobiliser les proches pour soutenir le patient, a ainsi permis une réduction notable des abandons dans une étude pilote. Des essais cliniques plus larges sont en cours afin d’évaluer pleinement cette approche (Thompson-Hollands et al., 2021).

Assurer un suivi de l’intention du patient de poursuivre le traitement

Une vérification, à l’issue de chaque séance, par les cliniciens de l’intention du patient de poursuivre son traitement constitue une autre stratégie prometteuse (Shulman et al., 2019). Dans une étude portant sur des soldats recevant une thérapie centrée sur le trauma, le simple fait de leur demander régulièrement s’ils comptaient assister à la séance suivante et, le cas échéant, de résoudre les éventuels problèmes évoqués réduisait significativement le taux d’abandon du traitement (Reger et al., 2016).

Stratégies ciblant les modalités de délivrance du traitement

Proposer des formats thérapeutiques condensés

La mise en œuvre des thérapies centrées sur le trauma dans des formats intensifs, que ce soit en ambulatoire ou en hospitalisation, permettant de compléter le protocole en 2 à 4 semaines au lieu de plusieurs mois, semble efficace pour améliorer l’assiduité et la réponse au traitement (Norman et al., 2020). Des études pilotes confirment que ces formats intensifs augmentent significativement l’adhésion et réduisent le taux d’abandon, avec une amélioration conséquente des résultats thérapeutiques chez les patients atteints de la pathologie TSPT et de TUS (Foa et al., 2018 ; Norman et al., 2016 ; Yasinski et al., 2018 ; Van Woudenberg et al., 2018).

Proposer une thérapie centrée sur le trauma de plus courte durée

La Written Exposure Therapy, une intervention en cinq séances fondée sur l’exposition aux souvenirs traumatiques par l’écriture, montre un potentiel intéressant pour les patients à risque élevé d’abandon, bien qu’elle n’ait pas encore été spécifiquement évaluée chez les patients présentant la pathologie duelle TSPT-TUS (Sloan et al., 2012, 2018). Ce traitement affiche une adhésion supérieure par rapport aux approches thérapeutiques traditionnelles, notamment en contexte d’hospitalisation (Meshberg-Cohen et al., 2014).

Proposer un accompagnement pluriel, intégrant toutes les dimensions du parcours du patient

Plutôt que de s’en tenir au seul axe thérapeutique, il peut être utile de combiner divers outils et méthodes, adaptés aux besoins spécifiques de chaque individu. Cette pluralité permet une prise en charge plus globale et personnalisée. Par exemple, le travail thérapeutique centré sur les troubles peut être associé à une approche psychocorporelle comme la médiation animale, qui favorise le réinvestissement du contact physique. Ces interventions peuvent être coordonnées avec un accompagnement social (accès au logement, à l’emploi, etc.), afin de soutenir la stabilité et l’autonomie du patient dans l’ensemble de son parcours.

Assurer un cadre thérapeutique sécurisant

Le cadre thérapeutique, à la fois matériel (aménagement de l’espace, ambiance) et immatériel (qualité de la relation, alliance thérapeutique), constitue un pilier essentiel du processus de soin. Ce cadre sécurisant est indispensable pour permettre une connexion émotionnelle profonde avec le vécu traumatique. Il offre au patient un espace où explorer ses émotions et souvenirs de manière plus intime, favorisant ainsi l’expression de ses besoins et objectifs thérapeutiques. À mesure que le patient reconnaît, verbalise et intègre ses expériences, il devient davantage acteur de son processus de guérison. Cette prise de conscience globale du traumatisme — de son contexte et de ses répercussions — renforce l’auto-validation émotionnelle, améliore la compréhension de soi et contribue à réduire la stigmatisation ainsi que le sentiment de culpabilité souvent associés au TSPT.

Les sources de ce dossier sont disponibles dans le document pdf en début de page.

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