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Synthèse de la journée scientifique 2023

Depuis de nombreuses années, il est un fait indéniable que les catastrophes naturelles exercent un impact profond sur la santé mentale des individus exposés. L’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes due aux changements climatiques ne fait que renforcer l’urgence d’accorder une attention accrue à la santé mentale. Ces catastrophes, capables de causer à la fois des pertes humaines tragiques et des dégâts matériels massifs, se distinguent par leur capacité à ébranler des communautés entières, les confrontant à une multitude de pertes et à la brusque disparition de repères.

Face à ces événements dont les impacts se conjuguent à différents niveaux (économiques, environnementaux, psychologiques etc.,) il devient impératif de renforcer la prise en charge des sinistrés et plus largement de penser une société plus résiliente face au risque. De cette nécessité, il devient alors impératif de stimuler la recherche dans les multiples disciplines déjà engagées dans ce domaine.

C’est dans ce contexte que cette manifestation scientifique s’est donné pour objectif de nourrir la réflexion autour des psychotraumatisme et des résiliences possibles face aux effets de la crise climatique. Plus précisément, l’objectif était d’explorer les processus de résilience envisageable face aux catastrophes naturelles et climatiques grâce à une approche multidisciplinaire, permettant alors appréhender leurs conséquences à un niveau global.

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Conférences plénières

Les changements climatiques

L’intervention de Joël Guiot a débuté par rappeler l’état actuel du dérèglement climatique : celui-ci n’est pas une abstraction, mais bien une réalité tangible, marquée par des variations régionales significatives dans ses impacts. Il a insisté sur l’urgence de limiter le réchauffement global, mettant en lumière les conséquences dévastatrices d’un échec dans cette entreprise. Aux côtés des effets irréversibles, tels que le réchauffement des océans et la fonte des glaces, le climatologue s’est focalisé sur les impacts sanitaires, notamment les risques accrus de maladies respiratoires, d’allergies, de maladies tropicales, et les impacts sur la santé mentale, particulièrement chez les populations les plus vulnérables.

Ces préoccupations ont été illustrées par des données alarmantes,
comme les augmentations dramatiques des admissions aux urgences et des décès liés aux vagues de chaleur extrêmes, ainsi que l’augmentation des maladies vectorielles1. En conclusion, cette exposé a été l’occasion de mettre en évidence la nécessité d’une action rapide et concertée pour combattre le dérèglement climatique, tout en adoptant des stratégies d’adaptation et d’atténuation pour protéger à la fois l’environnement et la santé des populations.

- Cn2r

Joël Guiot

est paléoclimatologue éminent, dirige des recherches au CEREGE. Co-président du GREC-Sud et
MedECC, il est co-auteur d’un rapport spécial du GIEC sur le changement climatique.

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Vulnérabilité et résilience des comportements humains en cas de catastrophe

Damienne Provitolo a débuté sa conférence en exposant les défis posés par le changement climatique, distinguant les catastrophes soudaines comme les ouragans et tsunamis, des menaces plus progressives telles que l’élévation du niveau de la mer et les sécheresses. Face à ces évènement, l’oratrice a souligné l’importance cruciale d’adopter une approche intégrée pour accroître la résilience des territoires et des populations, nécessitant alors une coordination des politiques de prévention et de gestion des risques, une planification stratégique de l’aménagement du territoire, des innovations en génie civil, et une sensibilisation accrue à la culture du risque.

La présentation s’est ensuite concentrée sur un projet de recherche transdisciplinaire visant à mieux caractériser les comportements humains en réponse aux catastrophes. Ce programme, rassemblant géographes, psychologues, mathématiciens, et informaticiens, a exploré les réactions individuelles et collectives face aux événements traumatisants, grâce à l’analyse de contenus visuels, des interviews avec des intervenants clés, et des simulations concrètes.

Outre la diversité de comportements observés2, cette étude a souligné l’influence de divers facteurs sur les réactions, tels que l’environnement de la zone affectée, les attributs individuels et collectifs, la nature de la catastrophe, et la culture du risque préexistante, offrant ainsi des informations précieuses pour améliorer les stratégies de formation et de sensibilisation.

- Cn2r

Damienne Provitolo

est géographe et directrice de recherche CNRS, dirige l’équipe «RISQUES» à Géoazur, Université
Côte d’Azur, et préside le Haut Conseil Local pour le Climat et la Biodiversité de Nice depuis 2023.

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L’impact économique et social des changements climatiques

Dans son exposé, Olivier Chanel a présenté les impacts socioéconomiques du changement climatique, en mettant un accent particulier sur le rôle des émotions dans les décisions en situation d’incertitude. Ainsi, la peur et d’autres émotions peuvent altérer la perception des risques, notamment lors de catastrophes naturelles. Dans ce contexte, une recherche mené par Olivier Chanel sur la réaction aux risques d’inondation, révèle que les expériences vécues et les émotions jouent un rôle crucial dans les décisions de protection.

En conséquence, les personnes ayant déjà été confrontées à des inondations ont tendance à sous-estimer les risques futurs et leurs émotions antérieures influencent leur volonté d’investir dans des mesures de protection. Ces observations révèlent l’importance de prendre en compte ces facteurs dans la gestion des risques.

- Cn2r

Olivier Chanel

est directeur de recherche CNRS à l’AMSE, spécialisé en économie des risques environnementaux.

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L’éco-anxiété

Antoine Pelissolo nous apprend que l’écoanxiété, caractérisée par un spectre d’émotions variées telles que la peur, la tristesse et la colère, se manifeste par une diversité de symptômes incluant des crises d’angoisse, des troubles de la concentration et des perturbations du sommeil. Ce phénomène, exacerbé par les récentes crises climatiques et sanitaires, est particulièrement prévalent chez les jeunes, révélant ainsi une sensibilité générationnelle marquée face aux défis environnementaux.

Bien que majoritairement non pathologique, l’écoanxiété nécessite une attention et une écoute de la part des professionnels de santé. Dans ce contexte, plusieurs points d’attention ont été évoquées, telles que la légitimation des inquiétudes écologiques, la gestion du stress et l’encouragement à l’engagement envers des actions positives pour l’environnement. L’implication dans des initiatives écologiques est également mise en avant par l’orateur, non seulement comme une réponse au besoin d’action, mais aussi comme un moyen d’améliorer le bien-être psychologique des personnes affectées. Le Pr Pelissolo a également souligné l’importance de ne pas surmédicaliser ces peurs adaptatives et a évoqué le potentiel de l’écoanxiété comme levier pour encourager des actions collectives et individuelles essentielles à la préparation d’un avenir durable.

- Cn2r

Antoine Pelissolo

est PU-PH, chef de service de psychiatrie au CHU Henri-Mondor, et spécialisé dans les troubles anxieux, phobiques, et les troubles obsessionnels compulsifs.

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Déterminants sociaux et configurations psychiques en contexte de changement climatique

Jean-Marc Goudet a présenté son étude portant sur l’impact du changement climatique sur la santé mentale, avec un accent particulier sur les différences de genre. Afin d’étudier en profondeur les répercussions du changement climatique sur la santé mentale des hommes et des femmes vivant dans deux communautés vulnérables du Bangladesh, Jean-Marc Goudet s’est appuyé sur des méthodes quantitatives et qualitatives telles que l’observation participante, des entretiens approfondis et des discussions en groupe focalisé. Grâce à son travail de recherche, Goudet a mis en évidence que, bien que le changement climatique affecte la santé mentale de tous, les femmes sont davantage impactées en raison de leurs rôles et des responsabilités qui leur sont imputées socialement.

Elles font ainsi face à des défis accrus tels que la charge de travail supplémentaire, la pénurie d’eau et d’aliments, et l’insécurité sociale due à la migration des hommes vers les villes. Les hommes quant à eux, sont principalement affectés dans leurs moyens de subsistance et leur sécurité économique. Ainsi, Goudet a souligné l’urgence d’adopter une approche sensible au genre dans la conception des politiques et des interventions ciblant les impacts du changement climatique sur la santé mentale. Sa contribution offre des perspectives essentielles pour les recherches futures et souligne l’importance d’intégrer la dimension de genre dans l’analyse des conséquences du changement climatique sur la santé mentale.

- Cn2r

Jean-Marc Goudet

est médecin et sociologue, lauréat de l’appel à projet 2021 du Cn2r. Ses recherches se focalisent sur
impact changement climatique sur la santé mentale.

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Table ronde

Table ronde sur la gestion des catastrophes naturelles lors de la Journée Scientifique du Cn2r le 09/11/2023 ©Sebastien Delarque
De gauche à droite : Marcellin Nadeau, Valérie Guyon, Jérôme Bertin, Dr Nathalie Prieto, Dr Flavie Derynck, et Jean Stellittano

Discutants

→ Dr Flavie Derynck : psychiatre au CRP d’Arles et coordinatrice de la CUMP zone sud
→ Marcellin Nadeau : député de Martinique et ancien maire du Prêcheur
→ Valérie Guyon : psychologue référente pour la CUMP-SAMU 13 et coordinatrice Paca-Corse
→ Jean Stellittano : secrétaire et directeur-général du Secours populaire des Alpes-Maritimes

Modérateurs

→ Dr Nathalie Prieto : référente national CUMP et psychiatre aux Hospices Civils de Lyon
→ Jérôme Bertin : directeur général de la Fédération France Victimes

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Objectifs

Afin de favoriser le dialogue entre divers acteurs impliqués dans la gestion des catastrophes naturelles, plusieurs axes ont guidé les échanges : l’organisation et les spécificités de la prise en charge des sinistrés suite aux catastrophes naturelles, les défis qui se posent dans le cadre de la prise en charge postcatastrophes, et une réflexion approfondie sur les mesures de prévention, qu’elles soient individuelles ou collectives, dans un contexte où la fréquence des catastrophes naturelles n’a pas prévu de s’inverser.

Résumé

La table ronde a été introduite par une présentation du Dr Flavie Derynck, qui a décrit de manière détaillée l’organisation complexe des secours en réponse aux situations sanitaires exceptionnelles3. Dr Derynck a mis l’accent sur l’interaction entre les Plans ORSEC et ORSAN, illustrant comment ces plans coordonnent les réponses de sécurité et sanitaires, depuis les niveaux nationaux jusqu’aux interventions locales.

Cette introduction a été complétée par les observations de Valérie Guyon de la CUMP, qui a souligné l’importance de la prise en charge médicopsychologique sur le terrain, notamment dans l’identification et le soutien des personnes en état de stress. Dans cette trajectoire, Jean Stelittano a complété ces propos en mettant en lumière le rôle d’une association comme le secours populaire, dans le soutien matériel et la lutte contre l’isolement des sinistrés, soulignant ainsi la dimension également sociale et matérielle de la réponse aux catastrophes.

Le débat s’est ensuite tourné vers les défis de la prise en charge post-catastrophe. Marcellin Nadeau a offert une réflexion critique sur la conception des risques, interrogeant la tendance à considérer les catastrophes uniquement comme relevant de l’accident et mettant en évidence le manque de planification pour l’après catastrophe. Il a illustré ses propos avec l’exemple de l’éruption de la Soufrière (1977) en Martinique, soulignant la nécessité d’intégrer la gestion des risques au coeur même des stratégies de développement économique et sociale et d’aménagement des territoires. Cette perspective a été renforcée par Flavie Derynck, psychiatre et coordinatrice CUMP, qui a abordé la problématique du relogement et l’importance de la collaboration avec les organismes sociaux pour une prise en charge complète.

Enfin, la question de la prévention et de la sensibilisation a été abordé. Valérie Guyon a parlé de l’évolution de la formation au psychotrauma, y compris l’importance de l’intervention dans les écoles et la collaboration avec les parents d’enfants traumatisés. Marcellin Nadeau a saisi l’occasion pour réitéré l’importance de l’autonomie et de la résilience des communautés, en particulier dans la préparation et la réaction rapide aux catastrophes. Le Secours Populaire a mis en avant son rôle croissant dans la prévention de l’impact sur la santé mentale, ainsi que la nécessité d’étendre le savoir de gestion des catastrophes au-delà des frontières.

En conclusion, cette table ronde a mis en évidence la complexité et la nécessité d’une approche globale et multidimensionnelle dans la gestion des catastrophes naturelles. Elle a souligné l’importance de la coordination des réponses d’urgence, de la prise en charge médicopsychologique et sociale, et de l’intégration de la résilience au coeur de la prévention dans la planification à long terme.

Entretien recherche

Dans l’objectif de mettre en perspective les discussions de la table ronde avec la recherche scientifique, le Cn2r s’est entretenu avec la Fondation Croix-Rouge française.

Vincent Leger

est titulaire d’un doctorat en Anthropologie à l’University College London. Il est aujourd’hui chargé de recherche à la Fondation Croix-Rouge française, notamment en charge du suivi des recherches soutenues par la fondation et ses partenaires.

Ressources complémentaires

Les ressources de ce dossier sont disponibles dans le document pdf en fin de page.
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