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Article scientifique : les défis de la prise en charge psychologique des victimes d’accidents de la voie publique

Les accidents de la voie publique (AVP) – également appelés accidents de la circulation ou de la route – causent chaque année la perte plus 1,19 millions de vies à l’échelle mondiale soit 15 décès pour 100 000 habitants [1].  En France, ce chiffre s’élevait à 3 398 en 2023 [2]. Les accidents de la route touchent particulièrement les usagers vulnérables, notamment les piétons, cyclistes et motocyclistes, qui représentent plus de la moitié des décès sur les routes (Organisation mondiale de la santé, 2023). Ces catégories représentent une part importante des décès et des blessures graves, avec une majorité d’hommes parmi les victimes.

D’après l’Association Victimes de France (AIVF), un AVP « désigne tout événement survenant sur la voie publique impliquant au moins un véhicule et causant des dommages corporels, matériels ou les deux. » et inclut « les collisions entre véhicules, les accidents impliquant des piétons, cyclistes, et même les incidents sans collision directe mais résultant en dommages. ».

Les Nations Unies ont fixé l’objectif ambitieux de réduire de moitié les décès et traumatismes d’ici 2030. Cependant, cet objectif se heurte à des obstacles majeurs, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, qui sont les plus touchés par la mortalité routière [3], où les ressources financières manquent pour améliorer les infrastructures de sécurité routière. Ces pays, bien que n’abritant que 60 % des véhicules mondiaux, concentrent 92 % des décès dus aux accidents de la route (OMS, 2023). Cela s’explique en grande partie par des infrastructures de transport limitées, ainsi que par des campagnes de prévention qui peinent à atteindre les populations les plus vulnérables.

Image2 - Cn2r

En plus des décès, des dizaines de millions de personnes subissent des traumatismes, avec des conséquences souvent invalidantes. Bien que des progrès aient été réalisés, avec une réduction de 5 % des décès depuis 2010 (voir figure ci-dessus), le coût humain reste extrêmement élevé. Les traumatismes, souvent lourds de séquelles physiques et psychologiques, nécessitent des soins constants et spécifiques qui ne sont pas toujours accessibles, surtout dans les régions où les infrastructures de santé sont limitées. Le manque de structures de rééducation et le suivi post accident complique la prise en charge, et augmente ainsi les risques de complications et de handicaps à long terme.

Dans de nombreuses régions, notamment dans les pays aux ressources limitées, les systèmes de santé sont insuffisants pour offrir une prise en charge rapide et globale aux victimes d’accidents de la route. Les conséquences de ces lacunes sont visibles tant sur le plan physique que psychologique : en Afrique, par exemple, le manque de services de santé d’urgence contribue à un taux de mortalité élevé, atteignant 19 décès pour 100 000 habitants dans certaines zones, l’un des plus élevés au monde (OMS, 2023). Outre la mortalité, ces insuffisances en matière de rééducation limitent aussi l’accès à une prise en charge psychologique post-traumatique pour les victimes et leurs familles. Sans prise en charge psychologique adaptée, les risques de développer des symptômes de TSPT augmentent, ce qui aggrave les répercussions à long terme de ces accidents

Le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) figure parmi les retentissements psychologiques les plus fréquemment observés chez les victimes d’accidents de la route. Près d’un tiers des accidentés de la voie publique développent des symptômes de TSPT, qui peuvent perdurer bien au-delà des séquelles physiques [4].​ Plusieurs facteurs influencent cette prévalence élevée : le sexe féminin, par exemple, est associé à un risque plus important de développer un TSPT, potentiellement en raison de différences dans la réponse au stress et des stratégies d’adaptation spécifiques [5]. La perception d’une menace pour sa propre vie durant l’accident constitue également un facteur aggravant. Des antécédents de troubles psychologiques, tels que des épisodes de dépression ou d’anxiété, augmentent encore le risque de développer un TSPT [6]. Par ailleurs, un contexte économique fragile complique l’accès aux soins nécessaires et ajoute une source de stress quotidien qui intensifie les symptômes de TSPT, en particulier dans les milieux où l’accompagnement psychologique post-traumatique est limité ou difficile d’accès. Enfin, la gravité des blessures physiques peut alourdir le poids du traumatisme : les victimes présentant des blessures sévères ou des douleurs chroniques peinent davantage à se rétablir, car les souffrances prolongées nuisent au rétablissement psychologique [7]

En plus du TSPT, les victimes d’accidents peuvent également être confrontées à différentes formes de deuil, qui ne se limitent pas aux pertes liées au décès. Ces réactions peuvent résulter de la perte soudaine de leur état de santé, de leur autonomie, ou de la vie telle qu’elles la connaissaient avant l’accident. Ces deuils peuvent évoluer en deuil prolongé, caractérisé par des symptômes persistants tels qu’une nostalgie intense de la vie passée, une préoccupation constante pour les pertes subies et des difficultés significatives à accepter la nouvelle réalité [8]. Reconnaître ces formes de deuil, souvent sous-estimées, est essentiel, car lorsqu’elles coexistent avec le TSPT, elles exacerbent la souffrance psychologique et rendent le processus de rétablissement encore plus difficile. Pour en savoir plus sur les mécanismes et les implications du deuil, y compris le deuil compliqué, vous pouvez consulter le dossier réalisé par le Cn2r à ce sujet.

Il est donc primordial que, parallèlement aux soins physiques, une prise en charge psychologique soit mise en place afin de limiter les répercussions à long terme des accidents de la voie publique sur la qualité de vie des personnes concernées. Avec la participation du professeur de psychiatrie Philippe Birmes à son webinaire, le Cn2r abordera prochainement les accidents de la voie publique en matière de conséquences traumatiques et de prise en charge, avec un focus particulier sur l’impact sur les enfants et leurs parents et les stratégies d’intervention adaptées.


[1] Organisation mondiale de la santé. (2023). Rapport mondial sur la sécurité routière 2023. Organisation mondiale de la santé.

[2] Observatoire national interministériel de la sécurité routière. (2024). Bilan 2023 de la sécurité routière. Ministère de l’Intérieur, République Française.

[3] World Health Organization. (2010). Plan mondial pour la Décennie d’Action pour la Sécurité Routière 2011–2020. Geneve: WHO.

[4] Kovacevic, J., Miskulin, M., Degmecic, D., Vcev, A., Leovic, D., Sisljagic, V., Simic, I., Palenkic, H., Vcev, I., & Miskulin, I. (2020). Predictors of Mental Health Outcomes in Road Traffic Accident Survivors. Journal of Clinical Medicine, 9(2), Article 2.

[5] Heron-Delaney, M., Kenardy, J., Charlton, E., & Matsuoka, Y. (2013). A systematic review of predictors of posttraumatic stress disorder (PTSD) for adult road traffic crash survivors. Injury44(11), 1413-1422.

[6] Kovacevic, J., Miskulin, M., Degmecic, D., Vcev, A., Leovic, D., Sisljagic, V., Simic, I., Palenkic, H., Vcev, I., & Miskulin, I. (2020). Predictors of Mental Health Outcomes in Road Traffic Accident Survivors. Journal of Clinical Medicine, 9(2), Article 2.

[7] Papadakaki, M., Ferraro, O. E., Orsi, C., Otte, D., Tzamalouka, G., von-der-Geest, M., Lajunen, T., Özkan, T., Morandi, A., Sarris, M., Pierrakos, G., & Chliaoutakis, J. (2017). Psychological distress and physical disability in patients sustaining severe injuries in road traffic crashes : Results from a one-year cohort study from three European countries. Injury, 48(2), 297‑306.

[8] Boelen, P. A., Eisma, M. C., Keijser, J. de, & Lenferink, L. I. M. (2022). Traumatic stress, depression, and non-bereavement grief following non-fatal traffic accidents : Symptom patterns and correlates. PLoS ONE, 17(2)


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